Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
129
TRISTESSE DE LA REINE ÉLISABETH

Pour excuser Clemenceau, je fais l’éloge de son patriotisme et de son énergie, mais je n’ébranle pas l’opinion de la reine. Vers deux heures, Foch arrive. Il dit au roi qu’il est entièrement tombé d’accord avec le chef d’état-major belge en ce qui concerne la relève des Anglais jusqu’auprès d’Ypres ; mais il insiste vivement pour la défense de la ligne de l’Yser. Le roi promet qu’elle ne sera pas abandonnée. « Avec les inondations, dit Foch, il n’y a que deux points par où les Allemands puissent faire passer leur artillerie, Nieuport et Dixmude. En battant fortement ces deux passages par votre artillerie, vous êtes sûr de tenir toute la ligne. » Je reviens alors à la question du commandement, en procédant toujours par voie d’insinuation. Le roi comprend très bien, mais ne veut rien entendre. Il a, dit-il, prêté serment de veiller lui-même au sort de son armée ; il ne peut donc abandonner le commandement. Il assure, d’ailleurs, qu’il sera toujours très heureux de suivre les conseils du général Foch, qu’il connaît depuis longtemps et pour qui il a une grande admiration. Il consent à établir avec lui une liaison directe de son quartier général. Mais c’est tout et quand Foch est parti, il me dit : « Voyons, vous m’avez demandé ces jours-ci (c’était, en effet, un désir un peu intempestif de Foch) de mettre mes divisions de réserve sous les ordres du général Plumer. Je ne le peux pas. Ce ne serait pas conforme à mon serment et, du reste, une armée disloquée ne vaudrait plus rien ; elle a besoin de se sentir les coudes. »

Je prends congé de la reine, rassérénée et charmante, et le roi me conduit d’abord à un camp d’aviation près d’un centre d’instruction, où j’assiste à divers exercices, et enfin au G.Q.G. d’Houthen, où le général Gillain me confirme qu’il est entièrement d’accord avec le général Foch et