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LA VICTOIRE

continuer la guerre, ne sont pas fâchés de s’en prendre à un gouvernement. »

Steeg, toujours hostile à Clemenceau, se plaint des procédés employés contre le général Denvignes. Il reproche au président du Conseil d’être méchant par nature. Steeg trouve également fâcheux que Clemenceau ait brûlé ses vaisseaux du côté de l’Autriche. Le général de Robilant, qui vient d’être installé à Versailles, dit qu’Orlando, tout en proposant de donner à Foch un pouvoir de coordination sur toutes les armées alliées, s’en tient à des formules équivoques et à des textes d’avocat qui, militairement, ne donneraient pas à Foch un véritable pouvoir de commandement. Lui, Robilant, préférerait une situation nette.

Le commandant Gruss, gendre de Gallieni, qui revient d’Italie, ne croit pas à une attaque très prochaine des Autrichiens. Il la redouterait, d’ailleurs, si elle se produisait. À l’inverse, il n’attendrait pas grand’chose d’une attaque italienne. Quoique un peu en progrès, l’armée italienne, dit-il, est toujours médiocre. L’état moral n’y est pas excellent ; et il est beaucoup plus bas encore dans le pays.

Le général Niessel, rentré de Russie, m’explique 1o qu’il n’y a pour le moment dans ce pays aucun point d’appui ; 2o que tout y évolue et change constamment, qu’on ne peut faire aucun pronostic ; 3o que pour le moment, les Bolcheviks forment seuls un parti organisé ; 4o que Trotzky a une influence tout à fait prépondérante et apparaît comme la seule énergie ; 5o que c’est un fou, un fanatique, en même temps un fourbe et un comédien, qu’il ne croit à rien qu’au bolchevisme et ne travaille que pour le bolchevisme ; qu’on ne peut pas se fier à lui ; qu’il ne se rapprocherait de la France que si les Allemands voulaient dé-