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LA VICTOIRE

part demain pour l’Angleterre. Le président du Conseil lui a donné le mandat strictement limité de traiter à Londres la question du corps tchèque de Sibérie, que les Anglais ne se soucient toujours pas de transporter, l’affaire du tonnage plus difficile que ne le pense Clemenceau. Le président a dit à Pichon : « Ne parlez pas de la question russe ; nous la traiterons à la prochaine conférence interalliée. » J’indique à Pichon qu’il me paraît cependant difficile de ne pas chercher à se mettre d’accord avec Balfour sur l’attitude à prendre envers les Bolcheviks. De même pour la question japonaise.

Je signale à Pichon un article de Mistral paru dans l’Humanité de ce matin et un télégramme de La Haye prouvant que la campagne relative à Czernin n’est pas finie, loin de là ! L’incartade de Clemenceau a des conséquences prolongées. Pichon ne paraît cependant pas comprendre la faute qu’a commise Clemenceau.

Toujours aucune nouvelle des grèves donnée par les ministères. Mais les télégrammes des délégués de Clemenceau annoncent des arrestations, dont celle d’Andrieux. Il aurait été plus simple de l’envoyer au front il y a quelques mois.


Lundi 27 mai.

Reprise du bombardement par canon à longue portée. À six heures du matin, premier coup puis, de vingt minutes en vingt minutes, toute la matinée. De huit heures à dix heures, je me rends aux points de chute qui me sont signalés : rue d’Alésia, rue Linné, rue Saint-Jacques. Trois morts, plusieurs blessés grièvement. Rue d’Alésia, une pauvre femme habitant au rez-de-chaussée n°17 a été atteinte au crâne dans sa chambre. Sa fille, qui m’a reçu, est encore toute couverte du sang de sa mère. Elle est extrêmement calme.