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CONFÉRENCE AVEC LES PRÉSIDENTS

j’ai refusé autrefois la proposition de Viviani. Je sais ce que je veux. Je ne sais pas ce que veulent ces gens-là. Je ne veux donc pas d’eux avec moi. Mais l’intrigue est bien menée, puisque vous voyez qu’elle a eu sa répercussion en Italie. »


Après de nouvelles convocations, Dubost et Deschanel arrivent pendant que Clemenceau est à l’Élysée, et nous avons tous les quatre une conversation d’une heure et demie.

Dubost s’exprime avec un peu d’amertume et de solennité, « Voilà, dit-il, plusieurs mois que, contrairement aux traditions, les présidents des deux Chambres ne sont pas renseignés par le gouvernement. Ils ont cependant le droit d’être éclairés sur un certain nombre de questions. Sur l’avis des chefs militaires, le gouvernement a adopté, à la fin de l’année dernière, un plan défensif. Il a refusé de chercher à devancer l’ennemi. Il lui a laissé le temps d’amener sur notre front toutes les forces qu’il avait en Russie. La bataille s’est donc engagée dans les conditions les plus défavorables. Mais, à l’état général d’infériorité dans lequel nous nous sommes trouvés se sont jointes d’autres causes d’échec. Comment n’a-t-on pas vu s’accumuler les forces ennemies sur le front de Champagne ? Comment a-t-on commis l’imprudence d’envoyer toutes nos forces dans le Nord ? Et maintenant, que va-t-on faire ? Si on ramène nos divisions en Champagne, ne sera-t-on pas attaqué par ailleurs ? Comment compte-t-on continuer la guerre ? Que fera-t-on si Paris est menacé ? s’il est bombardé ? s’il est pris ? Autant de questions sur lesquelles nous avons le droit d’appeler les explications du gouvernement.

— Le gouvernement, dit Clemenceau, n’est responsable que devant les Chambres. Je ne dois des comptes qu’aux Chambres et au président de