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VISITE DU GÉNÉRAL ALFIERI

vous dire ceci : Je vous ai promis de ne rien vous cacher. J’ai cru qu’il y a quelques mois vous inspiriez un peu la campagne de l’Action française.

— Vous vous êtes entièrement trompé. J’ai vu Maurras une fois. Il est venu me parler d’une collaboration qu’il entreprenait dans un journal espagnol et il m’a spontanément assuré qu’il ne ferait rien que d’accord avec le gouvernement. Je n’ai pas vu Daudet une seule fois…

— Mais on peut s’entendre par intermédiaire.

— Pas davantage. J’ai trouvé, en général, depuis la guerre, leur attitude patriotique. C’est tout. »

Clemenceau m’apprend, d’autre part, qu’il s’est laissé convaincre par Pétain de la nécessité d’évacuer la population de Pont-à-Mousson, ainsi que les villageois des environs. Mirman est navré, les habitants de Pont-à-Mousson sont désolés.

L’après-midi, je reçois le général Alfieri, ministre de la Guerre italien, gros, gras, court. Il ne croit pas plus que Foch à la possibilité d’une offensive en Italie. Il juge même nécessaire que l’armée italienne se repose. Il fait un grand éloge du général Diaz qu’il a, dit-il, choisi lui-même comme commandant en chef, d’accord avec le roi. Une commission extra-parlementaire, composée de douze généraux, de deux sénateurs et de deux députés, a été, dit-il, nommée par le gouvernement pour examiner l’affaire de Caporetto. Elle aura pour conséquence le rappel de Cadorna en Italie. Le général Alfieri ne sait pas encore par qui on le remplacera à Versailles.

Doumer, qui revient du front, a vu beaucoup de généraux qui s’accordent à dire que les troupes sont très belles, très fermement résolues à résister, mais que la résistance ne pourra cependant pas se prolonger aussi longtemps qu’à Verdun et qu’il