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LA VICTOIRE

le registre des délibérations du comité de guerre et qui date du ministère Painlevé. C’est une note de la main d’un des collaborateurs de Painlevé, Helbronner. Celui-ci relate qu’à Boulogne, Painlevé a mis Lloyd George au courant de certaines propositions que le baron de Lancken a faites à Briand et que ce dernier a eu tendance à croire loyales et acceptables. Lloyd George a répondu à Painlevé qu’elles étaient un piège destiné à diviser les Alliés.

— Mais, répliquai-je à Clemenceau, la note d’Helbronner ne contient rien qui laisse supposer que Painlevé soit tombé dans ce piège. Loin de là. Painlevé, je le sais, désapprouvait les conversations de Briand avec Lancken. Helbronner partageait l’avis de son patron. Tout cela est donc irréprochable de la part du cabinet Painlevé. »

Clemenceau ne me contredit pas.

« Pershing est venu me voir ce matin, me dit-il, et il m’a demandé avec inquiétude : « Si les choses n’allaient pas bien, est-ce que la France ferait la paix ? Je lui ai répondu : « Soyez tranquille. Ni le président de la République, ni moi, nous ne fléchirons et le pays nous suivra. » Il m’a paru rassuré. Sa question m’a rappelé le mot assez drôle que m’a dit le colonel House : « Si la France faisait la paix, où pourrions-nous nous battre contre l’Allemagne ? » Si Briand combine des négociations pacifistes, il aura donc à se mettre d’accord avec les Américains. »

Nouvelle évolution de Clemenceau. Ces jours-ci, il couvrait entièrement le général Duchesne. Aujourd’hui, il me dit : « Il y aura des sanctions à prendre dans l’affaire de l’Aisne. Duchesne ne m’a pas dit que des troupes avaient lâché pied. Je vais faire une enquête et je verrai. »

À la fin de la journée, un obus tombe au coin de la rue et du boulevard de Belleville, sur la ter-