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LA VICTOIRE

cadavres de femmes ont été retrouvés dans les décombres. Je suis allé voir les blessés et saluer les cadavres transportés à l’hôpital Saint-Antoine. J’étais venu dans le même établissement au lendemain de mon élection. Que c’est loin ! et que de tristes choses depuis lors !

Dans les rues, la foule est très nombreuse. L’accueil est excellent. Le moral se maintient donc encore. Mais ne le laissons pas gâter.


Lundi 17 juin.

Bracke, député, vient me voir avec un Autrichien naturalisé, M. Heuberger, qui propose de recruter dans les camps de prisonniers allemands des agents de révolution. Cet Heuberger a rédigé un programme d’une manière assez emphatique, qui ne paraît pas faite pour inspirer grande confiance. Mais Bracke semble, au contraire, très sûr du succès.

Rault, préfet du Rhône, voudrait, sans quitter la préfecture pendant la guerre, être nommé conseiller référendaire ou conseiller d’État. Il me raconte que le colonel Goubet, qui a été autrefois en garnison à Lyon et qu’il connaît, est venu le voir avant le procès Duval et qu’il a dit que si Leymarie était poursuivi, il déposerait en sa faveur. « C’est moi, déclare-t-il, qui suis allé le trouver pour lui parler de tout autre chose. Je lui ai dit : « J’ai toujours le chèque Duval ; je ne sais qu’en faire. Ne puis-je pas le rendre ? » À quoi Leymarie a simplement répondu : « Vous l’avez fait photographier ? Alors, il n’y a peut-être pas d’inconvénient à le rendre. » Comme Goubet a raconté les choses différemment à M. Lumière, de Lyon, deux jours après, Rault n’a pas osé renouveler devant le Conseil de guerre la déposition qu’il y avait faite contre Leymarie. Je me demande s’il faut conclure de là que Goubet manque