Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/314

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et nos effectifs s’épuisent peu à peu. Quant aux Anglais, il les fait marcher en piquant leur amour-propre. Mais déjà Haig se fait prier pour continuer à attaquer en prétextant qu’il va entrer dans une zone dévastée par la bataille de la Somme et il ne veut pas engager ses troupes dans une région où elles ne pourront pas cantonner.

Foch, à qui je parle de l’Italie et qui a vu Barrère, trouve lui aussi que le général Diaz a tort de rester inactif. Il exprime le regret d’être retenu ici. Sans quoi, il pourrait partir et agir sur Orlando qui a confiance en lui. Je lui suggère une idée que j’ai soumise à Barrère et qu’il a trouvée excellente, celle d’envoyer, au nom de Foch, le général Fayolle passer quelques semaines en mission auprès du gouvernement italien.

Barrère affirme qu’en dehors de Foch, Fayolle est le seul général français que les Italiens accepteraient.

Nous déjeunons sommairement dans un petit bois et nous partons aussitôt pour Morisel et Moreuil. Sur la route effroyablement poudreuse, nous rencontrons dans un nuage une automobile où je crois reconnaître Clemenceau et Foch. Ce sont eux effectivement.

Morisel et Moreuil sont deux monceaux de ruines. La route est remplie de fondrières creusées par les obus. Des territoriaux, des Italiens, des Annamites, rapidement mis en œuvre par les services de l’arrière, comblent les entonnoirs.

Paysage lunaire, comme sur la Somme et à Verdun. Plus de terre végétale. De la craie, des pierres, des squelettes d’arbres, des débris de toutes sortes. De Moreuil, nous revenons à Montdidier, par la vallée de l’Avre, en passant par Laneuville, Pierrepont c’est-à-dire d’autres monceaux de ruines. Montdidier, si joyeux, si joli en juillet 1914 et même encore si