Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/330

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Nous arrivons à Provins. L’état-major et les troupes sont massés dans la cour de la caserne. La population est en fête. Pétain vient au-devant de moi. Je passe avec lui devant le front des troupes. Clemenceau nous suit. Puis Pétain se place devant moi au centre, le dos au drapeau, et je prononce encore une allocution[1]. Pétain me dit devant Clemenceau qui me complimente : « Vous m’avez dit ce qui pouvait me faire le plus de plaisir. » Nous nous rendons ensuite chez lui dans une belle propriété entourée d’un vaste jardin où se fait la fenaison. Une table est servie, chargée de thé, de sandwiches, de gâteaux. Goûter rapide. Pétain est rayonnant, très confiant. Mais il se plaint encore de Pershing : « Foch, dit-il, s’aperçoit maintenant que Pershing n’est pas facile. »

Nous repartons pour Paris, Clemenceau et moi, toujours dans la même auto. Il m’apprend que pour la prochaine réunion du Conseil interallié, les Italiens ont renoncé à la faire tenir chez eux. Elle aura lieu à Londres ou à Paris.

Nous rentrons à Paris ; Clemenceau me reconduit à l’Élysée et se sépare de moi cordialement.


Samedi 24 août.

Dans la matinée, Henry Bérenger, nommé commissaire aux essences et aux combustibles, me rend visite. Je le trouve trop aimable et trop empressé et sa physionomie me paraît troublante. Il sent lui-même ce qu’on peut dire contre sa nomination, car il prend soin de me déclarer que s’il n’avait pas été mû par le désir de rendre service, il n’aurait pas accepté la mission qui lui est confiée en un moment où cette nomination peut être interprétée comme inspirée par la politique. Il est très

  1. V. Messages et discours t. I, p. 273. (Bloud et Gay, éditeurs.)