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LA VICTOIRE

vanche, l’instruction tactique et collective est restée médiocre jusqu’à ces derniers temps, les officiers français n’étant pas admis à la donner ; ils viennent seulement d’y être autorisés. Mais l’état-major américain, et notamment le général Marsh, cherchent à remplacer les officiers français par des officiers américains rappelés de France après un court séjour et manquant encore totalement d’expérience. » Je conseille au colonel Fagalde d’exposer franchement cette situation non seulement au maréchal Foch, mais au général Pershing, dès qu’il le verra.

Ignace, auquel j’ai écrit que j’étais d’avis de gracier un soldat qui a abandonné son poste, mais dont le dossier m’a révélé qu’il avait de sérieuses excuses (pupille de l’Assistance publique, changement imprévu de division, etc., etc.), vient me prévenir que Clemenceau, après examen, est disposé à laisser faire l’exécution. Comme le président du Conseil ne m’envoie plus de décret en blanc, je suis entièrement désarmé et ne puis que lui laisser toute liberté de décision. Le public continue à croire que j’exerce le droit de grâce ; je n’ai plus aucun moyen de l’exercer, puisque je n’ai pas le droit de signer un décret sans le contreseing du gouvernement.

Le colonel Herbillon m’informe que, d’après un renseignement venu d’un aviateur allemand, Paris serait prochainement bombardé par avions avec bombes incendiaires.

En revanche, Challe m’apprend que les Anglais ont dû faire, aujourd’hui encore, dix mille prisonniers et qu’on a l’impression qu’il y a chez les Allemands beaucoup de désordre et de désarroi. L’opération préparée par les Américains en Woëvre, au sud-est de Saint-Mihiel, ne pourra pas avoir lieu avant une dizaine de jours. Nous y participerons par notre artillerie, par nos tanks ;