Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 10, 1933.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
VISITE À COMPIÈGNE

truire des avisos. Mais il a ajouté un peu imprudemment que s’il n’obtenait pas satisfaction, il était à craindre que la Chambre n’interpellât le gouvernement.

Aussitôt Clemenceau a éclaté. Il a déclaré qu’il n’admettait pas ce langage. Leygues a cependant tenu bon. Clemenceau a dit alors qu’il lui paraissait impossible de débattre la question en Comité de guerre. Chaque ministre intéressé viendrait réclamer des prisonniers et on n’en finirait pas. Il était plus simple de créer un organe central à la présidence du Conseil. Les ministres lui exposeraient leurs demandes et le président du Conseil arbitrerait. Il apporterait ensuite des propositions fermes au Comité de guerre. C’est la dépossession du ministre du Travail, Colliard, qui est normalement chargé de la répartition.

Pendant la séance, nous apprenons la prise de Saint-Mihiel. Alors Clemenceau, sur un ton de plaisanterie, m’interpelle : « Eh ! bien, Monsieur le Président, vous n’êtes pas content ? Vous paraissez bien pessimiste aujourd’hui ? — Comment ! Mais je suis très content et même très heureux. »

Jeanneney vient soumettre à ma signature un projet de service central d’Alsace-Lorraine, rattaché à son sous-secrétariat d’État, sous la présidence de Jules Cambon.

Je fais tout de suite préparer mon départ pour Saint-Mihiel, où je tiens à voir le plus tôt possible la population délivrée. Le wagon construit pour mes voyages à Sampigny va nous conduire, ma femme et moi, cette nuit, et le train pourra nous mener jusqu’à notre malheureux village. Lebrun m’a demandé ce matin, en comité, de m’accompagner, disant qu’il serait très heureux.


Samedi 14 septembre.

Nous avons quitté Paris hier à neuf heures et