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LA VICTOIRE


Mercredi 6 février.

Les grandes difficultés se développent, et de moins en moins je suis renseigné et presque jamais consulté. Je vois cependant passer les télégrammes des Affaires étrangères. En Conseil, je les signale aux membres du gouvernement, qui ne sont au courant de rien.

Mais il est temps de veiller à l’ordre public. Il est paradoxal que le cabinet de Clemenceau cède plus que les précédents aux tentatives de la rue. Quand les socialistes étaient au pouvoir, ces incidents auraient été prévenus, ou, si besoin, empêchés.

Comité de guerre. Le général Pétain expose qu’il a besoin de rails pour les prochaines opérations militaires. Claveille, convoqué ad hoc, explique qu’il en a déjà fait déposer 1 200 kilomètres et que l’ordre est donné d’en déposer encore 300. On continuera, s’il le faut, et s’il n’arrive pas assez de rails d’Amérique. Loucheur dit qu’il ne croit pas beaucoup aux possibilités de l’importation. Le fret manque de plus en plus. Il y a 600 000 tonnes en souffrance sur les quais d’Amérique ; il croirait préférable la production des rails en France, ce qui, dit-il, serait facile, si le génie consentait à diminuer momentanément la production des poutrelles. Loucheur est autorisé à négocier en ce sens avec le génie.

Leygues demande des tôles et des ciments indispensables pour la guerre sous-marine. La situation, dit-il, est tragique ; 40 pour 100 des destroyers sont indisponibles, faute de réparations suffisantes. Dans deux mois, nous n’aurons plus un destroyer qui puisse tenir la mer. Loucheur indique qu’on pourrait prélever des tôles sur les stocks inutilisés de la marine marchande et reconstituer ces stocks dans deux ou trois mois. Quant au ciment, ajoute-t-il, la question sera réglée à