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PÉTAIN REÇOIT LE BATON DE MARÉCHAL

parge se placent sur la banquette devant nous. Dubost et Deschanel sont ensemble dans une seconde voiture. Sur la place de la gare, acclamations enthousiastes de la foule. Nous nous dirigeons, aux pas lents des chevaux, vers la porte Serpenoise et de là, vers l’Esplanade. Des milliers de jeunes filles en costumes lorrains nous étouffent, Clemenceau et moi, sous les fleurs et grimpent dans notre voiture pour nous embrasser. Je ne peux plus contenir mon émotion. Clemenceau, aussi, est profondément troublé. L’accueil dépasse toutes nos espérances.

Sur l’Esplanade, nous sommes reçus par le maréchal Pétain, qui nous a devancés. Les troupes sont rangées en trois côtés du carré en face de vastes tribunes où sont déjà installés les sénateurs et les députés avec leurs écharpes. Ces couleurs françaises au cœur de Metz, ces troupes, ces sonneries de clairons, tout cela me remue de plus en plus. Avec les maréchaux de France, les généraux alliés et Clemenceau, je passe devant les troupes. Aux fenêtres des maisons, les Messins redoublent leurs acclamations.

Puis nous revenons vers les tribunes. Pétain se place devant moi. Je lui adresse à voix haute une allocution[1] et je lui remets le bâton en lui donnant l’accolade. À ce moment, Clemenceau est près de moi. Poussé par un mouvement irrésistible, je lui dis : « Et vous aussi, il faut que je vous embrasse. — Bien volontiers, » répond-il ; et nous nous embrassons aux acclamations frénétiques des tribunes et des fenêtres :

Nous prenons place ensuite dans la tribune centrale et nous assistons à un magnifique défilé des troupes qui relèvent le pas et portent fière-

  1. Voir Messages et Discours, volume II, p. 61. (Bloud et Gay éditeurs.)