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LE GÉNÉRAL DENVIGNES

Jeanneney donne connaissance d’un plan de réorganisation générale des polices civiles et militaires sous les ordres d’un commissaire unique. On discute et l’on ajourne.

Le général Alby m’apporte, de la part de Clemenceau, un dossier relatif au général Denvignes. Le général avait eu l’idée de faire communiquer par un de ses officiers d’ordonnance à Barthou et à René Pinon le rapport relatif à sa conversation avec le roi d’Espagne sur l’Autriche. La communication à Barthou, d’ailleurs, n’a pas été faite, et Clemenceau ne songe à rien de moins qu’à traduire Denvignes en Conseil de guerre. Je réponds à Alby qu’à mon avis un blâme sévère suffirait et qu’il serait même mauvais de remplacer Denvignes à Madrid, 1o parce qu’il est persona grata près du roi, 2o parce qu’il est témoin dans les affaires en cours ; il serait inutile d’amoindrir son témoignage. Alby partage mon sentiment ; je le prie d’en faire part à Clemenceau.

Je téléphone à Pichon, qui répond : « Très grave ! très grave ! » Il a déjà lâché Denvignes dans une conversation avec Clemenceau. Je lui fais mes objections ; il les trouve, elles aussi, « très graves, très graves. » Si l’on se laisse aller à des gestes impulsifs comme l’arrestation de Denvignes, que sera-ce lorsqu’on perquisitionnera chez Humbert ? Il faudra, ce jour-là, traduire en Conseil de guerre nombre d’officiers.

Le général Bailloud part pour l’Algérie, où il va aider Jonnart et Nivelle dans l’œuvre de recrutement indigène. Il est très préoccupé des gaz nocifs que les Allemands emploient maintenant dans les attaques, mais il se demande si l’ennemi se livrera à de nouvelles offensives.

Le colonel Langlois et le capitaine Froissard, Alsaciens à fort accent, revenus de Russie et d’Ukraine, affirment que l’Ukraine regorge de