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DUBOST INQUIET

les poursuites. J’avoue que ce reproche me paraît assez injustifié et je rappelle à Ignace qu’en Conseil, Ribot s’était toujours montré favorable aux poursuites. Mornet, paraît-il, n’a pas vu sans inquiétude son rapport du 3 septembre versé aux débats. Dans ces conditions, a-t-il dit, je ne suis plus sûr du résultat. Ce rapport contient, en effet, des passages douteux. Ignace a rassuré Mornet, en lui expliquant que, si la pièce n’avait pas été mise aux débats, on aurait fait des suppositions des plus désagréables pour lui. Mais tout cela ne va-t-il pas entraîner par contre-coup l’audition de Ribot ?

Dubost, redevenu aussi inquiet et aussi nerveux qu’au lendemain de Charleroi, m’apporte encore une lettre du général Micheler, également très pessimiste, qui se plaint de n’avoir pas été compris de Pétain et de n’avoir pas pu faire adopter son idée d’offensive en Italie. Je réponds à Dubost que je ne puis substituer mon autorité à celle du gouvernement, ni prendre sur moi de provoquer une crise de commandement. Dubost partage mon avis, « mais un jour viendra, dit-il, où seront publiées les lettres de Micheler et l’on verra combien Pétain s’est trompé et a, en outre, par jalousie, étouffé la plus belle intelligence de l’armée. »

Dubost est très inquiet que Trotzky ait proclamé la démobilisation. Il croit inévitable que l’Allemagne et l’Autriche amènent maintenant toutes leurs forces sur notre front, que la Roumanie capitule et que nous subissions une contre-attaque formidable. « On nous conduit, dit-il, au désastre ».

J’ai interrogé avec insistance le commandant Challe, du G. Q. G. Il m’a avoué que personne à l’état-major ne croit possible de tenir jusqu’à l’an prochain.

Le nouveau chef du deuxième bureau, le colonel Gourguen, m’est amené par Clemenceau. Il m’ap-