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LA VICTOIRE

grisé, s’écrie-t-il. Il ne peut cependant nous interdire de reproduire ses propres paroles. Nous n’avons pas fait autre chose à Versailles, en parlant des buts de guerre. Quant aux Bolcheviks, nous en avons causé, mais nous n’étions pas d’accord et nous n’avons rien décidé. Alors, vraiment, les observations de Wilson sont inadmissibles. Je vous prie de n’en souffler mot à personne. C’est trop grave. Nous allons répondre. Nous serons polis, mais nets et fermes. J’ai prié Pichon de préparer quelque chose. Je verrai son projet à tête reposée. Nous vous le soumettrons ensuite. Je veux revoir le texte après un jour ou deux, c’est ma façon de travailler. »

Nous parlons des difficultés qui se sont élevées entre Foch et Pétain. « J’arrangerai cela, m’assure-t-il. L’organisation de l’armée de manœuvre n’est guère défendable en elle-même. Mais je serai là. Au moment de l’attaque, je serai là. S’il y a conflit, c’est moi qui le réglerai si je suis encore en fonctions et j’espère bien n’être pas forcé de partir auparavant, car je ne sais ce que je deviendrais. Ce que je dis n’est pas très modeste, mais ce sont les circonstances qui me le dictent. Personne ne pourrait me remplacer, pas plus Barthou qu’un autre. — Oh ! répliqué-je, très sincèrement, la France est avec vous et vous resterez jusqu’à la victoire. — Oui, fait-il avec la même assurance. »

Clemenceau compte sur son autorité personnelle pour mettre d’accord, le cas échéant, Foch et Pétain. Son autorité est telle, en effet, qu’il réussira, très probablement ; mais je ne songe pas sans quelque inquiétude à son intervention possible dans les opérations militaires elles-mêmes.

Visite de Charles Benoist, candidat au fauteuil de Faguet. J’en serai bientôt au quarantième.

Clemenceau reprend la conversation. « Pour