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LA VICTOIRE

ment occupé par des prêtres a été détruit. Deux abbés, tout couverts de poussière, me remercient de ma visite. L’un d’eux me dit : « Il est bien juste que nous payions notre dette à la patrie. » Lorsque je pars pour rentrer à l’Élysée, arrive Clemenceau. Nous nous rendons ensemble au point de chute d’une deuxième bombe. Elle est tombée dans la cour d’un vieil et charmant hôtel et a pénétré, au bas d’un mur, dans une cave. Il semble que la trajectoire n’ait pas été verticale, mais oblique.

Dans la matinée, les officiers de la maison militaire portent sur un plan de Paris tous les points de chute qui leur sont successivement signalés du gouvernement militaire et de la préfecture de Police. Ils concluent de leur travail que le bombardement n’a pas été fait par avions, mais par une pièce d’artillerie fixe, placée à notre insu à une distance inconnue de Paris. Pendant ce temps, Clemenceau est venu me voir à l’Élysée. Je lui fais part de l’opinion des officiers et je la prends à mon compte. Lorsqu’il me quitte, il dit, en passant, au secrétaire général, que j’ai une idée fixe et que je déraisonne.

Vers onze heures et demie, Clemenceau revient. « Il faut me dit-il, que je vous confie une chose ennuyeuse. Vous savez que Pams est dans les Pyrénées-Orientales. Il a vraiment tort de s’absenter ainsi. Or, hier au soir, en son absence, imaginez ce qu’a fait Fabre. Je le savais un imbécile, mais je ne le croyais pas un lâche. Il est descendu à la cave et il a donné l’ordre de couper toutes les communications téléphoniques. Le chef de cabinet de Pams a refusé d’obéir et il est resté dans son cabinet. Mais Fabre a lui-même coupé toutes les communications. Voyez ce que ce serait si cette attitude était connue à Paris, et elle le sera forcément. J’ai fait des reproches à Pams ;