Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/110

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à Vitry-le-François pour conférer avec le général Joffre. Il quitte Paris ce soir pour rejoindre l’armée naissante dont il doit prendre le commandement. C’est un homme d’assez petite taille, simple, discret, l’allure peu martiale, le regard clair et droit, la moustache grise et tombante ; il a les joues et le menton rasés de frais. Sir John a fait, paraît-il, ses preuves de science militaire et de bravoure en Égypte et dans le Sud africain. Mais on le prendrait pour un paisible ingénieur plutôt que pour un soldat entreprenant. Méthodique et lent, il paraît manquer de flamme. Bien qu’il ait coutume de passer ses vacances en Normandie et qu’il ait même, me dit-on, un gendre officier français, il ne parle qu’assez péniblement notre langue. MM. Viviani et Messimy, venus à l’Élysée sur ma demande, assistent à notre entretien. Sir Francis Bertie sert bénévolement d’interprète. Le maréchal French noue explique en anglais que ses troupes ne seront point en mesure d’entrer en ligne avant le 25 août. Le débarquement de la cavalerie a été long et difficile ; la confection d’un matériel spécial a tout retardé. Il faut dix jours encore pour achever les préparatifs militaires. Dix jours ! Les Anglais ne prendront donc aucune part aux premières batailles. Quelle déception pour l’opinion française ! On les croit prêts à combattre et ils vont manquer au rendez-vous.

Dans son Diary, si souvent facétieux et familier, sir Francis Bertie a rendu compte, en termes un peu ironiques, de la visite que m’a faite le maréchal French56 : « À l’entrevue d’aujourd’hui avec Poincaré, Viviani paraissait exténué de fatigue,