Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/120

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observait ces manèges, se montrait fort inquiet. Mais la pression a dépassé la mesure. Le ministre d’Allemagne lui-même s’est mis de la partie. Il a osé — sans doute sur un ordre catégorique de Berlin — enjoindre au roi de se prononcer, tout de suite, pour ou contre Guillaume II. Il se serait exprimé avec une telle arrogance que Constantin, froissé dans son amour-propre, aurait interrompu l’audience.

Quant à l’Italie, M. Doumergue a été fort bien inspiré de ne rien précipiter. Sans doute, l’état-major italien semble préparer, dans tous les détails, une action militaire à plus ou moins longue échéance contre l’Autriche-Hongrie15. Mais nous avons la preuve qu’aujourd’hui même le marquis Imperiali a reçu à Londres, du marquis di San Giuliano, des instructions dilatoires. Le gouvernement royal prévient son ambassadeur qu’il n’a pas, pour le moment, l’intention de sortir de la neutralité, mais que, si jamais il changeait d’attitude, cette décision nouvelle devrait être précédée d’accords militaires et politiques précis et détaillés avec les puissances de la Triple-Entente. Ces accords seraient négociés dans le plus grand secret à Londres et non ailleurs. L’Italie ne se méfie nullement de M. Doumergue, mais elle se méfie depuis longtemps, de M. Isvolsky, qui est accrédité à Paris ; elle préfère la prudence et la discrétion britanniques. Le marquis Imperiali est même chargé de prier sir Ed. Grey d’intervenir pour que M. Barrère et M. Krupenski, ambassadeur de Russie à Rome, s’abstiennent d’aborder ce sujet dans leurs conversations avec San Giuliano. Ce que l’Italie