Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/122

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je l’ai pressé de me déclarer si, en cas de victoire, le gouvernement russe ne formulerait aucune prétention d’ordre territorial ou politique contre la Turquie : « Vous n’ignorez pas, lui ai-je dit, que l’intégrité territoriale et l’indépendance politique de la Turquie demeurent un des principes directeurs de la. diplomatie française. » Il m’a répondu : « Même en cas de victoire, nous respecterons l’indépendance et l’intégrité de la Turquie, si elle reste neutre dans la guerre actuelle. Tout au plus, demanderons-nous qu’un régime nouveau soit institué pour les détroits, régime qui serait également applicable à tous les États riverains de la mer Noire, la Russie, la Bulgarie et la Roumanie. » Le langage de Sazonoff est, cette fois, très clair. Il est même à peu près satisfaisant. Il suffit, en tout cas, à montrer que jamais avant la guerre, quoique certains libellistes en aient dit depuis, la France n’a trahi au profit de la Russie sa vieille politique orientale et que ni en 1912, ni en 1914, rien n’a été promis par moi ni, je suppose, par personne, ni au tsar, ni à son gouvernement, ni à M. lsvolsky, même dans la question des détroits. M. Sazonoff n’invoque aucun engagement français, et pour cause.

Mais une nouvelle qui nous vient de Thérapia17 nous prouve que la Russie n’a point encore renoncé à réclamer la démobilisation de la Turquie. M. Maurice Bompard trouve, comme nous, cette idée malencontreuse. M. Doumergue engage M. Sazonoff à ne pas persévérer dans une intention dont l’Allemagne ne manquerait pas de tirer parti à Constantinople. Qu’il est difficile de mettre à la même allure l’attelage de la Triple-Entente !