Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/160

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Charmes, où Maurice Barrès, non loin de la maison natale de Claude le Lorrain, aime à écouter la voix des eaux de la Moselle.

La poste d’aujourd’hui m’apporte une multitude de lettres de bonnes gens qui critiquent passionnément les opérations militaires, qui blâment le général en chef et ses lieutenants, qui me mettent en cause avec la même âpreté, qui me donnent des conseils et me tracent des plans. Dès que le cœur de la France bat un peu plus fort, mon courrier souffre d’une enflure malsaine. Il y a, du reste, en tout Français non mobilisé, un stratège qui sommeille aux jours de victoire et qui, au moindre revers, se réveille pour s’agiter. Je trouve en cette correspondance pléthorique autant de contradictions et d’étrangetés que dans les présentes conversations de la Tour Eiffel. Jamais il n’y a eu, dans les émissions et dans les écoutes, une cacophonie aussi déconcertante. La Tour répand chaque jour dans le monde et particulièrement en Allemagne des radiogrammes composés avec soin pour masquer nos mouvements de troupes. Elle recueille, d’autre part, d’innombrables communications échangées hors de France, destinées notamment à la presse des autres nations, et ces torrents d’ondes invisibles emportent à travers le monde des paquets de fausses nouvelles, savamment fabriquées pour égarer les esprits et pour dicter à l’histoire des jugements fallacieux

Voici, sans doute, des succès orientaux qui compensent, en partie au moins, le lamentable effet produit dans les pays neutres par notre défaite de Lorraine. L’armée russe s’est emparée de Goldap et de Lyck. Les Allemands ont été