Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/175

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belge, mais, au delà de cette ligne, sur notre territoire ; nous évacuons l’Alsace jusqu’au sud de Mulhouse, cruellement perdue pour la seconde fois, et l’armée du général Pau, hier victorieuse, est dépouillée de la plus grande partie de ses forces, qui sont reportées dans le Nord. Il nous est répété par le G. Q. G. que, dans les batailles des Ardennes et de Charleroi, beaucoup de nos troupes ont manqué de cohésion, que le commandement subalterne a été insuffisant, que la liaison entre les armes a été défectueuse. Quelles que soient les causes, l’effet n’est que trop certain. Nous sommes battus et tout est à recommencer maintenant sur notre sol envahi.

Vers huit heures du soir, le colonel Magnin, envoyé par le général Joffre, m’affirme que, malgré tout, le commandant en chef demeure confiant. Quant à présent, il renonce à l’offensive, mais il demande que nous lui fassions crédit. Une solide défensive va être organisée pour garder du temps et pour permettre aux Russes d’aller de l’avant. Le communiqué de ce soir se termine par ces paragraphes, en partie contradictoires, en partie sibyllins : « Sur l’ordre du général Joffre, nos troupes et les troupes anglaises ont pris position sur les emplacements de couverture qu’elles n’eussent pas quittés si l’admirable effort des Belges ne nous avait pas permis d’entrer en Belgique. Elles sont intactes. Notre cavalerie n’a aucunement souffert. Notre artillerie a affirmé sa supériorité. Nos officiers et nos soldats demeurent dans le meilleur état physique et moral. Du fait des ordres donnés, la lutte va changer d’aspect pendant quelques jours. L’armée française restera, pour un temps, sur la défensive. Au moment venu,