Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/190

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sa place à M. Millerand et nous annonce qu’il va partir pour le front.

Briand, tout en restant à la disposition de Viviani, continue à souhaiter un large remaniement du cabinet. Il indique à demi-mot et d’un ton détaché que sa préférence personnelle serait de redevenir, comme en 1912, ministre de la Justice et vice-président du Conseil. Viviani n’élève aucune objection contre une idée qui est, d’ailleurs, aisément réalisable, car M. Bienvenu-Martin, qui est la modestie et le désintéressement mêmes, abandonnera volontiers, si on l’en prie, la Place Vendôme et la garde des Sceaux.

Delcassé, plus impérieux que Briand, a complètement renoncé au mutisme d’hier. Il réclame avec insistance le portefeuille des Affaires étrangères. « Mon nom, nous dit-il, a une signification que personne ne peut contester. C’est ma politique qui triomphe aujourd’hui. On m’a assez reproché autrefois d’avoir encerclé l’Allemagne. C’est moi qui ai signé l’entente avec l’Angleterre, l’entente avec l’Italie, la première entente avec l’Espagne. C’est moi qui ai cultivé le plus efficacement l’alliance russe. Tout le monde m’attend au Quai d’Orsay. » Et il est indéniable que M. Delcassé a préparé pendant de longues années, et qu’il a réussi à nouer lui-même, malgré des difficultés sans nombre, les principales alliances qui peuvent aujourd’hui faire notre force ; et personne, bien entendu, ne le contredit lorsqu’il rappelle ses grands services. Il semble cependant qu’à l’heure où nous sommes il pourrait laisser à d’autres le soin d’écrire cette histoire et ne pas exiger le départ du Quai d’Orsay de M. Gaston Doumergue qui, lui aussi, a fait son devoir de bon Français