Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/228

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n’ont besoin ni de réconfort, ni d’encouragements. Ils ont tous un moral admirable et brûlent de retourner au front. S’ils s’aperçoivent de mon trouble et de ma maladresse, ils ne m’en laissent rien voir et chacun d’eux trouve un mot touchant pour me témoigner sa gratitude. Dans les rues, à l’aller et au retour, particulièrement dans le faubourg Saint-Martin, les femmes, petites bourgeoises, commerçantes, ouvrières, et les hommes, ou très jeunes ou très âgés, qui sont restés au milieu d’elles, m’accueillent par des transports d’enthousiasme. Cette fois encore, je représente à leurs yeux la France, la France menacée, mais ferme et résolue. Le gouvernement va-t-il donc se résigner à quitter Paris et à laisser ici, derrière lui, tant d’êtres malheureux qui lui font confiance ?

Le colonel Pénelon m’apporte, Dieu merci ! du grand quartier général des renseignements qui permettent encore d’espérer que la question de départ ne se posera point. Il me dit, de la part du général Joffre, que si seulement les Anglais consentaient à maintenir leurs arrière-gardes en contact avec l’ennemi, l’armée Lanrezac, après la violente bataille d’avant-hier, qui a fortement éprouvé l’ennemi et en particulier la garde impériale, pourrait encore prendre les Allemands par le flanc, tandis que la 6e armée, commandée par le général Maunoury, contiendrait leur aile droite et une partie de leur front. Si, en même temps, réussissait l’offensive engagée à Rethel, sur la Meuse et en Lorraine, il y aurait des chances sérieuses pour que la marche allemande fût promptement enrayée. Dans le cas où ce plan ne donnerait pas le résultat attendu, le XVIIIe corps se détacherait immédiatement de l’armée de Lanrezac