Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/230

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à réfléchir : « Monsieur le président, le devoir est parfois de se laisser accuser de lâcheté. Il peut y avoir plus de courage à affronter les reproches de la foule qu’à courir le risque d’être tué. » Et je sens bien que M. Doumergue a raison. Mais, d’autre part, je crois n’avoir pas tout à fait tort, et quitter Paris, le quitter surtout si brusquement, n’est-ce pas l’exposer au désespoir, peut-être à la Révolution ?

Puisque Joffre m’a fait dire que, si les Anglais consentaient à ralentir leur retraite et à contenir les Allemands, les chances de succès l’emporteraient de beaucoup sur les chances contraires, j’ai prié sir Francis Bertie de venir me voir et il m’a promis de téléphoner à French. Vers dix heures du soir, il m’amène un officier britannique qui m’apporte un mot du maréchal : « Etant donné, écrit French, les lourdes pertes en hommes et en matériel que l’armée britannique a subies dans sa retraite depuis la position de Mons, étant donné aussi le fait que jusqu’à hier, elle a été continuellement engagée avec l’ennemi, elle a besoin d’une huitaine de jours au moins pour se refaire et se réorganiser et pour redevenir ainsi une unité combattante efficiente. Le plus que je puisse dire est que je ne veux pas me retirer plus loin qu’une ligne tirée de l’est à l’ouest par Nanteuil, aussi longtemps que l’armée française ne sera pas au sud de sa position actuelle. Après ce répit, je serai prêt à tenir les forces britanniques à la disposition du commandant en chef français dans les conditions qu’il jugera les meilleures, pourvu toujours que mon indépendance d’action soit préservée et que mes lignes de communication soient assurées. Je n’ai jusqu’ici aucune information que