Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/375

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fait le plus vif éloge de ses troupes, qui ne demandent, me dit-il, qu’à se battre.

En quittant Villers-Cotterêts, nous nous arrêtons à Senlis, qui nous présente, sur les rives verdoyantes de la Nonette, un spectacle d’horreur et de désolation. Cette jolie petite ville, que j’ai vue naguère si fraîche et si coquette, a été presque entièrement brûlée par l’ennemi. La grande rue de la République a été systématiquement détruite. Il ne reste rien du beau palais de justice ni de la sous-préfecture. Par bonheur, la cathédrale n’a été que très légèrement blessée.

Le maire de Senlis, M. Odent, a été emmené comme otage et fusillé. Ces tristes images dans les yeux, nous quittons Senlis et partons pour Paris, pour Paris que je n’ai pas revu depuis plus d’un mois et que je ne retrouve pas sans une profonde et secrète émotion. Nous arrivons à la barrière avant la tombée de la nuit ; mais, malgré le fanion tricolore qui flotte à l’avant, notre automobile passe inaperçue, au milieu de tant d’autres voitures militaires, et je rentre à l’Élysée sans avoir été reconnu de personne. Jamais le Palais où j’ai vécu tant d’heures grises et maussades ne m’a paru si hospitalier. Il me semble que je suis enfin rendu à la ville dont des circonstances tragiques m’ont forcé de m’éloigner. Babette, la Briarde aux longs poils de soie noire, m’accueille par de bruyantes démonstrations de tendresse et de joie.


Mercredi 7 octobre

Le Bulletin des armées, qui s’imprime en ce moment à Bordeaux, publie ce matin, dans son numéro 34, un article où est annoncée ma visite