Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/434

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Joffre. « Mais si, mais si, » répond doucement le général en chef. « Ils sont au repos, et puis l’intention est trop bonne pour qu’on les blâme. » Partout des uniformes français, anglais, belges, hindous. C’est vraiment la guerre des nations.

À Wlamertynghe, je remets, d’accord avec Millerand et avec Joffre, la cravate de commandeur au général d’Urbal. C’est un bel et intrépide officier de dragons. Depuis le début de la campagne, il s’est signalé en avant de Verdun et autour d’Arras. Le détachement de Belgique qu’il commande aujourd’hui comprend la 42e division, placée sous les ordres du général Grossetti, les fusiliers marins de l’amiral Ronarc’h, le corps de cavalerie de Mitry et deux divisions territoriales. Je cause avec des officiers et avec des hommes. Tous sont pleins de confiance et d’espoir. Ils se demandent seulement si les Anglais sont décidés à tenir bon. Kitchener doutait de nous ; ils doutent de lui, qu’ils ne connaissent pas. Nous leur rapportons nos impressions de Dunkerque et nous n’avons pas grand’peine à les rassurer.

Nous rentrons en France et revenons sur Bail-leul et sur Béthune, que nous traversons après la chute du jour et qui nous donnent dans l’ombre le spectacle d’une extraordinaire animation. Nous rencontrons ensuite une très longue colonne d’artillerie, d’excellente tenue. C’est l’artillerie du XXe corps qui remonte vers le nord et qui va nous servir à briser l’effort allemand. Nous entendons, depuis le matin, les roulements du canon et maintenant, dans l’obscurité, nous voyons à l’horizon les éclairs jetés par nos 75, qui tirent sur l’ennemi. À la fin de l’après-midi, nous arrivons à Bruay, où nous logeons tous chez M. Elby,