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nuée grise. La nuit tombe. Nous prenons le chemin d’Abbeville, où nous sommes logés chez le maire, M. Bignon, frère du sympathique député de la Seine-Inférieure.


Mercredi 4 novembre

Aujourd’hui, c’est au général de Curières de Cas-telnau que nous avons réservé notre visite. Son quartier général est à Cagny, près d’Amiens. Mais il nous attend à son poste de commandement qu’il a établi un peu plus à l’est, sur le plateau de Santerre, dans la commune de Villers-Breton-neux. Nous l’y rencontrons, au milieu d’une population qui nous fait un chaleureux accueil. Bien qu’âgé de soixante-trois ans, le général de Cas-telnau est animé d’une ardeur toute juvénile. De petite taille, il a l’aspect vigoureux et robuste d’un montagnard des Cévennes. Sa parole, relevée d’un léger accent méridional, est, à la fois, précise et imagée. Il nous explique avec humour que notre XIVe corps a pris hier Quesnay-en-Santerre et qu’il continue aujourd’hui son offensive vers Andechy. Il consent, après quelque résistance, à nous laisser aller, avec deux automobiles seulement, jusqu’à Lignières, qui est, dit-il, sous le feu de l’ennemi. C’est là que le commandant du XIVe corps a son poste de commandement et je ne peux pas laisser échapper l’occasion de féliciter ses troupes de leur succès. Sur le chemin, nous rencontrons une escadrille au repos. Les aviateurs qui en font partie ont accompli, ces jours-ci, des vols superbes, mais en ce moment il pleut et les reconnaissances sont à peu près impossibles. Plus loin, nous croisons un chariot qui transporte des blessés recueillis il y a quelques minutes. Tous