Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/476

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vivement la sœur Gabrielle, à laquelle je reviendrai plus tard remettre la croix de la Légion d’honneur. Elle me répond avec simplicité : « Je n’ai fait que mon devoir, monsieur le président. »

Par des villages qui me sont très connus, Réci-court, Blercourt, Regret, et dont les habitants mêlés aux troupes me font des signes amicaux, nous continuons notre route jusqu’à Verdun. La place forte meusienne, étroitement serrée dans ses vieilles murailles de Vauban, fourmille d’officiers et de soldats. Elle n’a pas jusqu’ici souffert du bombardement. La population se promène tranquillement dans les rues ; les magasins sont ouverts ; personne ne paraît songer au péril dont la menace grandit dans les environs. Sur la colline, la cathédrale se dresse inviolée. Les gracieuses façades de l’évêché et du musée sont intactes. On ne se croirait nullement dans une ville dont l’ennemi a commencé le siège et qu’il cherche systématiquement à investir. Depuis la bataille de la Marne, le kronprinz, qui commande la 5e armée allemande et qui a son quartier général à Stenay, fait effort pour se glisser dans la région couverte et accidentée de l’Argonne. Il cherche à atteindre la voie ferrée de Sainte-Menehould à Verdun, celle que nous venons de longer depuis les Islettes, et l’état-major allemand lui a donné, à cet effet, plusieurs corps d’élite, dont celui de Metz, le XVIe, composé surtout des solides mineurs de la Sarre. Nous avons en face du kronprinz notre Ve corps, sous les ordres du général Micheler, et notre IIe, commandé par le général Gérard. Vers le 1er octobre, nous tenions encore les crêtes maîtresses de la forêt. Mais peu à peu l’ennemi a gagné du terrain. Il a donné assaut au IIe corps dans les environs