Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/492

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retirées des tranchées et échelonnées en deux files séparées, placées l’une en face de l’autre, de chaque côté des routes. Nous passons à vitesse ralentie entre ces deux rangs immobiles ; les officiers saluent ; les hommes, à la différence des Français, poussent des hourras. Dans toutes les localités que nous traversons, Merville, Hazebrouck, Estaire, les habitants massés nous acclament. Le roi est, comme toujours, très affable et nous causons librement des émotions que nous avons éprouvées depuis quelques mois. Il paraît très satisfait que les Allemands ne soient pas venus à Calais. « C’était, dit-il, leur but évident et leur échec est d’autant plus grave que leur effort avait été plus puissant. » Le roi se félicite que les trois gouvernements alliés se soient mutuellement engagés à ne pas signer de paix séparée. « J’ai toujours été d’avis, me dit-il, que l’Angleterre devrait marcher contre l’Allemagne, si celle-ci déclarait la guerre à la France. Mais lorsque vous m’avez écrit, j’ai été forcé de vous répondre avec réserve, parce que mon gouvernement n’avait pas encore pris parti et que l’opinion britannique n’était pas prête à une intervention. J’ai dit à Grey : « C’est à vous de renseigner le pays ; vous parviendrez certainement à lui faire comprendre que l’Angleterre ne peut se désintéresser du conflit. » Grey est, en effet, arrivé sans peine à ouvrir les yeux de l’immense majorité des Anglais. »

Le roi paraît très vivement frappé des ravages qu’ont faits les Allemands dans les communes où nous passons. Il me montre lui-même, spontanément, les maisons incendiées, les dégâts causés par les obus, et il se rend parfaitement compte