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Mercredi 2 décembre

Nous avons quitté Saint-Omer cette nuit et nous sommes rentrés ce matin à Paris. À peine Viviani s’est-il séparé de moi qu’il revient à l’Élysée. Il a appris, par un coup de téléphone de Briand, que le cabinet, réuni à Bordeaux, en notre absence, a répondu à l’Angleterre que la France n’était pas disposée à envoyer un représentant au Saint-Siège. On a même, paraît-il, essayé de faire comprendre au gouvernement britannique qu’il s’était trop pressé de désigner le sien. Mesquine et aveugle politique ! Allons-nous sacrifier nos intérêts nationaux à des préoccupations de parti ? Viviani paraît se résigner à cette malencontreuse réponse. Mais comment Delcassé et Briand n’ont-ils pas obtenu qu’on attendît notre retour avant de prendre une décision ? Toutes les puissances belligérantes vont être représentées au Vatican, sauf nous, comme si la séparation des Églises et de l’État nous interdisait des rapports diplomatiques avec le Saint-Siège et comme si nous avions le droit de nous désintéresser de ce qui se passe au Vatican !

D’autre part, Viviani a reçu ce matin, comme moi-même, de Millerand, qui est retourné à Bordeaux, copie d’une lettre de Joffre, relative à la défense de Paris. « L’expérience de la guerre actuelle, dit le général en chef, montre qu’on ne peut compter avec certitude, ni sur la résistance des ouvrages permanents ou renforcés, ni sur les troupes territoriales qui, sauf d’honorables exceptions, n’ont fait preuve que d’une médiocre valeur militaire. Au cas, — d’ailleurs de moins en moins probable, — où Paris serait menacé, sa défense devrait donc être assurée par une armée de campagne,