Page:Poincaré - Au service de la France, neuf années de souvenirs, Tome 5, 1929.djvu/62

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que tout retard est dangereux. M. Doumcrgue fait venir le comte Szecsen. Il lui dit avec beaucoup de modération qu’il nous est bien difficile de nous sentir rassurés par les déclarations du comte Berchtold, alors que nous sont signalés, sous les formes les plus précises, des mouvements de troupes autrichiennes dans le voisinage immédiat de nos frontières ; mais qu’en tout cas, l’Autriche seconde l’action allemande contre nos alliés et, par là même, permet à l’Allemagne d’envoyer contre nous des forces plus importantes. « L’opinion française, ajoute M. Doumergue, commence à s’émouvoir et, si les choses restent en l’état, je ne sais comment, à la longue, je pourrai garantir la sécurité de Votre Excellence. » Le comte Szecsen ne contredit pas M. Doumergue. Il ne conteste rien ; il n’avoue rien ; il se borne à demander avec embarras : « Que dois-je faire ? — Je n’ai pas de conseils à vous donner, mon cher ambassadeur, répond M. Doumergue. Mais, dans les circonstances présentes, je vais être forcé de rappeler M. Dumaine. — Alors, veuillez me faire préparer mes passeports. » Le ministre des Affaires étrangères promet aimablement de prendre toutes les mesures nécessaires pour que le voyage du comte Szecsen soit assuré dans les meilleures conditions ; l’ambassadeur remercie avec une émotion sévèrement contenue et prend congé. Tous deux télégraphient en clair à Vienne le compte rendu sommaire d’une conversation qui n’a pas cessé d’être, de part et d’autre, parfaitement courtoise. En voyant partir le représentant de l’Autriche, je ne puis me défendre de lui rendre la même justice qu’au baron de Schœn. Pendant l’année 1912, je les ai reçus l’un et l’autre presque journellement au Quai d’Orsay ; j’ai négocié avec