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RAYMOND POINCARÉ

été informée, ne pouvait pas se considérer comme engagée. Et le ministre italien avait porté ce jugement sévère, mais, semble-t-il, assez juste : Le texte de la note autrichienne est rédigé d’une manière si agressive et si maladroite que l’opinion publique de l’Europe et de l’Italie sera contre l’Autriche et qu’elle sera plus forte que tout gouvernement.Blague, écrit l’empereur d’Allemagne.L’Italie a déjà voulu filouter en Albanie et l’Autriche a froncé les sourcils… Tout cela n’est que du rabâchage et on verra bien au cours des événements.

Moins optimiste que Guillaume II, son gouvernement, un peu troublé par l’énigme italienne, a essayé de rapprocher les cabinets de Rome et de Vienne. L’Empereur lui-même, en dépit du magnifique dédain qu’il avait, d’abord, manifesté, a fini par se rendre à l’opinion de son État-major et, le 27, M. de Jagow télégraphiait à l’ambassadeur d’Allemagne en Autriche : Sa Majesté l’Empereur considère comme indispensable que l’Autriche s’entende avec l’Italie sur l’article 7 et sur la question des compensations. Sa Majesté a ordonné de communiquer ses instructions à Votre Excellence en le priant d’en faire part au comte Berchtold. Or, remarquons-le, l’article 7 n’avait à jouer que si l’Autriche s’agrandissait dans les Balkans. Elle avait donc, vraisemblablement, malgré ses déclarations publiques, l’intention de s’y agrandir, et l’Allemagne, on le voit, le savait et ne s’y opposait pas. Guillaume demandait seulement que Vienne s’entendît avec Rome, pour le partage des dépouilles, de façon que l’Italie, dans une guerre générale, n’abandonnât pas la Triple-Alliance. Mais l’Italie se réservait, elle veillait, elle observait, et le 30 juillet, à 13 h. 55, M. Barrère nous télégraphiait : L’attitude de l’Italie, en cas de conflagration, est incertaine, bien que l’opinion publique soit très anti-autrichienne. Des efforts considérables, de la part des Autrichiens et de leurs amis, sont faits en ce moment auprès des principaux journaux pour réagir contre cet état d’esprit.