Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
95
LA NOTION D’ESPACE

parce qu’elles seraient accompagnées de deux sensations d’accommodation différentes. Donc C" serait à son tour continu, et aurait une dimension (pour le moins) ; alors C' en aurait deux, C trois et l’espace visuel total en aurait quatre.

Va-t-on dire alors que c’est l’expérience qui nous apprend que l’espace a trois dimensions, puisque c’est en partant d’une loi expérimentale que nous sommes arrivés à lui en attribuer trois ? Mais nous n’avons fait là pour ainsi dire qu’une expérience de physiologie ; et même comme il suffirait d’adapter sur les yeux des verres de construction convenable pour faire cesser l’accord entre les sentiments de convergence et d’accommodation, allons-nous dire qu’il suffit de mettre des bésicles pour que l’espace ait quatre dimensions et que l’opticien qui les a construites a donné une dimension de plus à l’espace ? Évidemment non, tout ce que nous pouvons dire c’est que l’expérience nous a appris qu’il est commode d’attribuer à l’espace trois dimensions.

Mais l’espace visuel n’est qu’une partie de l’espace, et dans la notion même de cet espace il y a quelque chose d’artificiel, comme je l’ai expliqué au début. Le véritable espace est l’espace moteur et c’est celui que nous examinerons dans le chapitre suivant.