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L’ESPACE ET SES TROIS DIMENSIONS

bougé ; en d’autres termes, si elle ne réussit pas on lui donne un coup de pouce.

Ces coups de pouce sont légitimes ; je n’en disconviens pas ; mais ils suffisent pour nous avertir que les propriétés de l’espace ne sont pas des vérités expérimentales proprement dites. Si nous avions voulu vérifier d’autres lois, nous aurions pu aussi y parvenir, en donnant d’autres coups de pouce analogues ? N’aurions-nous pas toujours pu justifier ces coups de pouce par les mêmes raisons ? Tout au plus aurait-on pu nous dire : « vos coups de pouce sont légitimes sans doute, mais vous en abusez ; à quoi bon faire bouger si souvent les objets extérieurs ? »

En résumé, l’expérience ne nous prouve pas que l’espace a trois dimensions ; elle nous prouve qu’il est commode de lui en attribuer trois, parce que c’est ainsi que le nombre des coups de pouce est réduit au minimum.

Ajouterai-je que l’expérience ne nous ferait jamais toucher que l’espace représentatif qui est un continu physique, et non l’espace géométrique qui est un continu mathématique. Tout au plus pourrait-il nous apprendre qu’il est commode de donner à l’espace géométrique trois dimensions pour qu’il en ait autant que l’espace représentatif.

La question empirique peut se poser sous une