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LA VALEUR DE LA SCIENCE

moi, j’ai le droit de bouger ; et alors les parois que nous supposons en repos absolu seront en mouvement relatif par rapport à moi. — Oui, mais un pareil mouvement relatif ne peut pas être quelconque, quand des objets sont en repos, leur mouvement relatif par rapport à des axes quelconques est celui d’un corps solide invariable ; or, les mouvements apparents que vous imaginez ne sont pas conformes aux lois du mouvement d’un solide invariable. — Oui, mais c’est l’expérience qui nous a appris les lois du mouvement d’un solide invariable ; rien n’empêcherait d’imaginer qu’elles fussent différentes. En résumé, pour m’imaginer que je sors de ma prison, je n’ai qu’à m’imaginer que les parois semblent s’en écarter, quand je remue.

Je crois donc que si par espace on entend un continu mathématique à trois dimensions, fût-il d’ailleurs amorphe, c’est l’esprit qui le construit, mais il ne le construit pas avec rien, il lui faut des matériaux et des modèles. Ces matériaux comme ces modèles préexistent en lui. Mais il n’y a pas un modèle unique qui s’impose à lui ; il a du choix ; il peut choisir, par exemple, entre l’espace à quatre et l’espace à trois dimensions. Quel est alors le rôle de l’expérience ? C’est elle qui lui donne les indications d’après lesquelles il fait son choix.

Autre chose : d’où vient à l’espace son caractère