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LA VALEUR DE LA SCIENCE

par cela même à créer une langue plus propre à satisfaire le physicien.

Mais ce n’est pas tout ; la loi sort de l’expérience, mais elle n’en sort pas immédiatement. L’expérience est individuelle, la loi qu’on en tire est générale, l’expérience n’est qu’approchée, la loi est précise ou du moins prétend l’être. L’expérience se fait dans des conditions toujours complexes, l’énoncé de la loi élimine ces complications. C’est ce qu’on appelle « corriger les erreurs systématiques ».

En un mot, pour tirer la loi de l’expérience, il faut généraliser ; c’est une nécessité qui s’impose à l’observateur le plus circonspect.

Mais comment généraliser ? Toute vérité particulière peut évidemment être étendue d’une infinité de manières. Entre ces mille chemins qui s’ouvrent devant nous, il faut faire un choix, au moins provisoire ; dans ce choix, qui nous guidera ?

Ce ne pourra être que l’analogie. Mais que ce mot est vague ! L’homme primitif ne connaît que les analogies grossières, celles qui frappent les sens, celles des couleurs ou des sons. Ce n’est pas lui qui aurait songé à rapprocher par exemple la lumière de la chaleur rayonnante.

Qui nous a appris à connaître les analogies véritables, profondes, celles que les yeux ne voient pas et que la raison devine ?