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LA VALEUR DE LA SCIENCE

ceux qui habitent la Terre. Mais, si vous voulez bien, nous admettrons que ces nuages sont phosphorescents et qu’ils répandent une lueur douce et constante. Puisque nous sommes en train de faire des hypothèses, une hypothèse de plus ne nous coûtera pas davantage. Eh bien ! je répète ma question : croyez-vous que, dans un pareil monde, nous serions ce que nous sommes ?

C’est que les astres ne nous envoient pas seulement cette lumière visible et grossière qui frappe nos yeux de chair, c’est d’eux aussi que nous vient une lumière bien autrement subtile, qui éclaire nos esprits et dont je vais essayer de vous montrer les effets. Vous savez ce qu’était l’homme sur la Terre, il y a quelques milliers d’années, et ce qu’il est aujourd’hui. Isolé au milieu d’une nature où tout pour lui était mystère, effaré à chaque manifestation inattendue de forces incompréhensibles, il était incapable de voir dans la conduite de l’univers autre chose que le caprice ; il attribuait tous les phénomènes à l’action d’une multitude de petits génies fantasques et exigeants, et, pour agir sur le monde, il cherchait à se les concilier par des moyens analogues à ceux qu’on emploie pour gagner les bonnes grâces d’un ministre ou d’un député. Ses insuccès mêmes ne l’éclairaient pas, pas plus qu’aujourd’hui un solliciteur éconduit ne se décourage au point de cesser de solliciter.