Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
184
LA VALEUR DE LA SCIENCE

il a vu bientôt que les corps inanimés ne dansaient pas avec moins d’ardeur que les autres ; il a alors passé la main aux physiciens. Malheureusement, les physiciens se sont longtemps désintéressés de cette question ; on concentre de la lumière pour éclairer la préparation microscopique, pensaient-ils ; la lumière ne va pas sans chaleur, de là des inégalités de température, et dans le liquide des courants intérieurs qui produisent les mouvements dont on nous parle.

M. Gouy eut l’idée d’y regarder de plus près et il vit, ou crut voir, que cette explication est insoutenable, que les mouvements deviennent d’autant plus vifs que les particules sont plus petites, mais qu’ils ne sont pas influencés par le mode d’éclairage. Si alors ces mouvements ne cessent pas, ou plutôt renaissent sans cesse, sans rien emprunter à une source extérieure d’énergie ; que devons-nous croire ? Nous ne devons pas, sans doute, renoncer pour cela à la conservation de l’énergie, mais nous voyons sous nos yeux tantôt le mouvement se transformer en chaleur par le frottement, tantôt la chaleur se changer inversement en mouvement, et cela sans que rien ne se perde, puisque le mouvement dure toujours. C’est le contraire du principe de Carnot. S’il en est ainsi, pour voir le monde revenir en arrière, nous n’avons plus besoin de l’œil infiniment subtil du démon de Maxwell,