Page:Poincaré - La Valeur de la science.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
210
LA VALEUR DE LA SCIENCE

Tel l’animal qui mue, qui brise sa carapace trop étroite et s’en fait une plus jeune ; sous son enveloppe nouvelle, on reconnaîtra aisément les traits essentiels de l’organisme qui ont subsisté.

Dans quel sens allons-nous nous étendre, nous ne pouvons le prévoir ; peut-être est-ce la théorie cinétique des gaz qui va prendre du développement et servir de modèle aux autres. Alors les faits qui d’abord nous apparaissaient comme simples ne seraient plus que les résultantes d’un très grand nombre de faits élémentaires que les lois seules du hasard feraient concourir à un même but. La loi physique alors prendrait un aspect entièrement nouveau ; ce ne serait plus seulement une équation différentielle, elle prendrait le caractère d’une loi statistique.

Peut-être aussi devrons-nous construire toute une mécanique nouvelle que nous ne faisons qu’entrevoir, où, l’inertie croissant avec la vitesse, la vitesse de la lumière deviendrait une limite infranchissable. La mécanique vulgaire, plus simple, resterait une première approximation puisqu’elle serait vraie pour les vitesses qui ne seraient pas très grandes, de sorte qu’on retrouverait encore l’ancienne dynamique sous la nouvelle. Nous n’aurions pas à regretter d’avoir cru aux principes, et même, comme les vitesses trop grandes pour les anciennes formules ne seraient