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xiii
préface

cause, devenue prépondérante, a donné à ces planètes une rotation qui est restée directe, mais qui est devenue beaucoup plus rapide.

La durée du jour va donc sans cesse en augmentant, mais, par une sorte de réaction, celle du mois augmente également, la Lune s’éloigne constamment de la Terre. Au moment de sa formation, notre satellite touchait presque la surface de notre globe ; le mois et le jour avaient même durée, cinq ou six de nos heures actuelles ; en revanche, quand de longs siècles seront écoulés, le mois et le jour redeviendront égaux entre eux, à peu près égaux à deux de nos mois actuels, et la Terre présentera toujours la même face à la Lune, comme la Lune à la Terre.

Toutes ces hypothèses, si divergentes d’ailleurs, ont un caractère commun ; ce sont des théories de Mécanique rationnelle, d’Astronomie mathématique ; elles font peu d’emprunts aux sciences physiques ; elles sont par là incomplètes. Les physiciens, dont l’intervention était aussi inévitable qu’elle était désirable, se sont surtout préoccupés de l’origine de la chaleur solaire. Des mesures précises nous ont montré l’étonnante dépense de chaleur que fait le Soleil à chaque seconde. Quelles ressources a-t-il qui lui permettent une telle prodigalité ? Où a-t-il pu emmagasiner une provision d’énergie suffisante pour des millions d’années ? Et quelle a pu être l’origine de cette provision ? On a pu penser d’abord que cette énergie était d’origine chimique, le Soleil brûlerait comme un gros morceau de charbon : cette hypothèse n’est pas tenable ; à ce compte, le Soleil n’aurait été qu’un feu de paille éphémère, à peine capable d’éclairer les hommes pendant la durée de l’histoire.

Et alors Lord Kelvin et Helmholtz ont pensé que l’énergie solaire pouvait être d’origine mécanique ; on a songé d’abord aux météorites qui tombent comme une pluie constante à sa surface, et dont la force vive est constamment détruite et transformée en chaleur. Cela ne suffisait pas encore ; mais si les divers matériaux dont est formé le Soleil ont été autrefois séparés par de grandes distances et se sont ensuite concentrés sous l’influence de l’attraction, le travail de cette attraction a dû être énorme ; s’il s’est transformé en force vive, puis en chaleur, nous avons une provision de cha-