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xv
préface

moins il nous montrait qu’il reste bien des mystères à découvrir et qu’il ne faut pas se hâter d’affirmer qu’un phénomène est inexplicable.

La théorie de Laplace, comme toutes celles que nous venons d’exposer, ne sort pas des limites du système solaire. Laplace, sans aucun doute ne négligeait pas de propos délibéré les autres systèmes, mais il pensait qu’ils devaient tous être plus ou moins semblables au nôtre et que ce qui convenait à l’un convenait aux autres. D’ailleurs ils lui semblaient séparés par de trop grandes distances pour pouvoir réagir les uns sur les autres. Les progrès de l’astronomie stellaire ne nous permettent plus de nous attarder à ce point de vue ; le télescope nous révèle dans le ciel étoilé une variété beaucoup plus riche que tout ce qu’on aurait pu attendre. Nous avons d’abord les étoiles doubles, qui sont loin d’être des exceptions ; on peut estimer que sur trois étoiles il y a pour le moins une étoile double. Parfois les deux composantes sont faciles à séparer, parfois aussi elles se touchent presque et, si l’une d’elles est peu lumineuse, des éclipses périodiques se traduisent pour nous par des variations d’éclat. C’est alors la spectroscopie ou la photométrie qui nous apprennent que nous avons affaire à un système double et qui nous permettent d’en déterminer l’orbite. Est-il possible que le même mécanisme ait pu donner naissance à un système comme le nôtre où un corps central a absorbé la presque totalité de la masse et où des planètes minuscules sont séparées par des distances énormes ; et à un de ces systèmes singuliers où la masse est à peu près également partagée entre deux ou trois composantes et où, dans certains cas, les distances des astres sont comparables à leurs dimensions ?

À ces systèmes doubles, la théorie de Laplace n’est évidemment pas applicable (et d’ailleurs les excentricités ne sont généralement pas très petites) ; mais on peut imaginer d’autres hypothèses ; considérons une nébuleuse en rotation comme celle de Laplace, mais qui en diffère parce que sa masse, au lieu d’être concentrée presque tout entière dans un noyau central, est à peu près uniformément répartie. En se refroidissant, elle se contractera et sa