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théorie de m. arrhenius

183.M. Arrhenius pense que la couronne solaire est due à des phénomènes du même genre. La matière coronale serait constituée par de fines particules que la pression de radiation repousserait loin du Soleil. La couronne serait donc parfaitement comparable aux queues des comètes.

Quelle que soit l’extrême ténuité de la matière coronale, ce processus représente néanmoins pour le Soleil une perte constante de substance. Ne pourrait-on pas alors revenir à la théorie météoritique primitive de Lord Kelvin (nos 141 à 144), qui supposait la chaleur solaire entretenue par une pluie de météores tombant sur le Soleil. On se rappelle que Lord Kelvin avait abandonné cette hypothèse, parce qu’il en serait résulté pour le Soleil un accroissement de masse, ayant pour conséquence une variation inadmissible de la durée de l’année. Mais ne pourrait-on pas penser que cet accroissement de masse est compensé par la déperdition constante de la matière coronale ? Dans cette hypothèse, la matière décrirait une sorte de cycle : les météores tombant sur le Soleil s’y trouveraient désagrégés, réduits en fines poussières, et celles-ci seraient à leur tour chassées par la pression de radiation ; elles se rassembleraient au loin pour former de nouveaux météores qui retomberaient sur le Soleil, entretenant ainsi sa chaleur. Cette manière de voir est insoutenable. En effet, dans ce cycle, les forces effectuent constamment un travail positif : quand le météore tombe, l’attraction l’emporte et c’est la gravité qui travaille ; quand les poussières coronales sont chassées, la répulsion l’emporte et le travail est effectué par la pression de radiation. Aux dépens de quelle énergie ce travail constant est-il produit ? C’est évidemment aux dépens de l’énergie solaire. Il est donc impossible de voir dans ce mécanisme un entretien possible de cette énergie.

M. Arrhenius a d’ailleurs essayé de se faire une idée de la quantité de matière météorique qui tombe réellement sur le Soleil : la quantité de matière tombant annuellement sur la Terre est d’environ 20 000 tonnes. En partant de cette base, M. Arrhenius évalue, à 300.109 tonnes la pluie météorique qui se précipite annuellement à la surface du Soleil. La masse totale du Soleil étant de 2.1027 tonnes environ, le bombardement météorique, accroît donc annuellement cette masse de