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hypothèses cosmogoniques

lumière n’a été observée nulle part ailleurs. L’hélium et l’hydrogène (et sans doute aussi le nébulium) étant des gaz très peu condensables, sont susceptibles d’exister à l’état gazeux aux très basses températures que M. Arrhenius attribue aux nébuleuses : à ces températures tous les autres éléments sont liquéfiés ou solidifiés ; par suite, les parties profondes de la nébuleuse peuvent contenir ces éléments condensés ; mais les parties extérieures ne doivent contenir que les éléments gazeux, c’est-à-dire l’hydrogène et l’hélium (et le nébulium). La périphérie de la nébuleuse étant seule lumineuse, d’après M. Arrhenius, il n’est pas étonnant que le spectre de la nébuleuse ne présente que les raies de ces derniers éléments.

187.Revenons au Soleil et suivons son évolution. Le Soleil perd constamment de la chaleur ; mais il contient à son intérieur des matières radioactives ou des combinaisons endothermiques ; tout se passe donc comme s’il avait une chaleur spécifique énorme, et il possède une provision de calorique extrêmement considérable qui lui permet de continuer sa radiation pendant très longtemps — des billions d’années, dit M. Arrhenius (il entend par là 1012). — Mais quelle que soit la lenteur extrême du refroidissement, il arrivera un moment ou la température de la surface du Soleil sera assez abaissée pour que celle-ci commence à s’encroûter. La croûte mince périphérique ainsi formée protégera l’intérieur du Soleil resté fluide contre le refroidissement qui deviendra de plus en plus lent, de même que la croûte terrestre garantit les parties profondes de la Terre[1].

Le Soleil ressemblera alors à une bombe remplie d’explosifs ; sa surface sera très froide, mais ses parties centrales auront conservé une température presque aussi élevée que celle qu’elles ont aujourd’hui, et il s’y trouvera encore les mêmes combinaisons endothermiques que maintenant.

Que deux pareilles bombes viennent à se rencontrer, leur choc produira une chaleur et une lumière énormes : c’est l’origine d’une étoile nouvelle.

Quelle est la probabilité pour qu’une étoile déterminée en rencontre une autre ? Étant données les distances qui séparent en moyenne les

  1. On sait que Lord Kelvin pense, contrairement à cette opinion, que la Terre est entièrement solidifiée : si en effet son intérieur était fluide, le phénomène de la précession des équinoxes serait très différent de celui que nous observons.