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hypothèses cosmogoniques

temps la même évolution ; chacun d’eux occupait un espace considérable s’étendant bien au delà du rayon de notre Soleil actuel ; si cette évolution a duré trop longtemps, on est obligé de compter avec la probabilité d’un choc, venant tout détruire avant qu’elle soit terminée.

Pour Faye, l’origine des planètes est toute différente ; c’est à l’intérieur de la masse nébulaire elle-même que les planètes et le Soleil se sont différenciés ; dès qu’un commencement de condensation s’est produit en certains points, ces points sont devenus des centres d’attraction, ils ont attiré la matière environnante, s’en sont nourris pour ainsi dire, jusqu’à ce qu’ils aient fini par absorber toute l’atmosphère très ténue de la nébuleuse primitive et par se mouvoir dans le vide. Cette théorie conduit à de singulières conséquences : Mercure serait plus vieux que Neptune et la Terre elle-même plus vieille que le Soleil. Les planètes étaient autrefois beaucoup plus éloignées du Soleil, et Mercure par exemple était à la distance de Saturne ; elles se sont graduellement rapprochées de l’astre central en conservant des orbites circulaires. On ne peut pas dire que Faye ne rend pas compte de la faiblesse des excentricités et des inclinaisons ; du moins il cherche à le faire et il est bien décidé à donner les coups de pouce nécessaires pour obtenir ce résultat ; mais l’explication qu’il donne est bien imprécise et bien moins satisfaisante pour l’esprit que celle de Laplace. Il avait cru devoir abandonner les idées de Laplace, incapables d’après lui d’expliquer le mouvement rétrograde du satellite de Neptune. Il croyait, comme Laplace lui-même, que le sens de la rotation d’une planète dépend de la distribution des vitesses dans l’anneau qui lui a donné naissance. Nous savons aujourd’hui que cette distribution ne peut être qu’éphémère, puisque l’anneau est instable, qu’elle ne peut donc avoir aucune influence sur le résultat final ; que les rotations de toutes les planètes ont dû être primitivement rétrogrades quelle que soit leur origine, et que l’influence des marées a pu seule les rendre directes. Dans ces conditions, nous n’avons plus aucune raison de préférer l’hypothèse de Faye à celle de Laplace.