Page:Pons - Sainte-Beuve et ses inconnues, 1879.djvu/258

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d’honorable ? Cependant M. Littré aurait voulu que l’on effaçât, que l’on adoucît du moins le passage, tant la vanité se niche au cœur même des plus purs ! Sa réclamation, comme bien l’on pense, resta sans effet. Sainte-Beuve, fort coulant pour le reste, était inflexible quand il s’agissait de telles rectifications. « C’est acquis, » répondait-il. Si l’on insistait, il préférait supprimer l’article plutôt que de déguiser sa pensée.

Toute espèce de génie, pour celui qui le possède, est l’instrument d’une grande joie, à la condition qu’il pourra le manifester avec indépendance et en pleine liberté. Ce bonheur ne fut pas complétement accordé à Sainte-Beuve. Muni comme il l’était d’un talent de vulgarisation hors de pair, il eût désiré agir immédiatement sur le public, le servir, en être entouré, communiquer à son auditoire l’âme des grands poëtes dont il avait pour lui recueilli la fleur. Il lui eût été doux de remporter quelques-uns de ces triomphes de la parole auxquels il s’était préparé, et de recevoir, en retour de ses leçons, le contre-coup excitant de l’applaudissement et