Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 1re série, 1872.djvu/266

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la surprise par le bâillement et la curiosité par l’ennui.

Ce succès de fou-rire, obtenu par des citations, a déjà tenté quelques-uns de mes confrères, accoutumés jusqu’ici à respecter et à admirer, en M. Victor Hugo, l’idole de cette popularité artificielle et bâtarde, chère au faux peuple, à la fausse démocratie et au faux libéralisme. Cette fois, il n’y avait plus moyen de garder son sérieux, comme pour les Contemplations, la Légende des Siècles et les Misérables. L’éclat de rire a brisé le masque, étouffé le mot d’ordre, violé la consigne. La réclame était trop flagrante, la ficelle trop grosse, l’attrape trop manifeste, la tentation trop forte : ils ont lu, ils ont ri, ils ont cité, et il n’en a pas fallu davantage pour que l’on trouvât spirituels, amusants et légers des gens qui ne passent pas habituellement pour des modèles de légèreté, d’atticisme, d’amusement et de grâce.

Eh bien ! nous ne les suivrons pas sur cette voie trop facile : passe encore pour les précédents ouvrages de M. Victor Hugo ! il y avait quelque mérite et quelque avantage à les discuter, à s’égayer même à leur dépens. Les énergumènes faisaient bonne garde autour de ces livres et menaçaient d’extermination quiconque essayerait de mêler un grain de sel à ces flots d’encens. Les beautés et les énormités s’y combinaient à des doses assez égales pour qu’il fût utile de faire le triage, pour que le voisinage des unes rendit les autres plus dangereuses ou plus irritantes. Mais avec ce William Shakespeare, à quoi bon ? Le procès est jugé avant d’être plaidé ; ce n’est pas un livre, ce n’est pas une série de chapitres ; c’est une collec-