Page:Pontmartin - Nouveaux Samedis, 7e série, 1870.djvu/13

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et inspiré, dédaigneux de cette popularité vulgaire qui devait plus tard lui coûter si cher, applaudi par de nobles femmes dont la souveraineté charmante s’inclinait devant la sienne, doué de tous les dons extérieurs qui révèlent le poëte aux multitudes, tel enfin que, s’il avait disparu ce jour-là, le lendemain des Harmonies, la veille des révolutions, il serait resté dans nos souvenirs, dans nos songes, avec une auréole quasi divine. Par une sorte de prédestination providentielle, Lamartine, dans ce discours où il avait à louer M. Daru, un des plus illustres et des plus intègres serviteurs de l’Empire, ne fit pas une concession à la monstrueuse alliance du vieux bonapartisme et de la jeune liberté ; odieux mensonge qui continua les Cent-Jours sous forme de polémique, de dithyrambes et de chansons, envenima les dissidences, tricha tout ensemble le patriotisme, la liberté et la gloire, trompa l’histoire, défigura la politique et prépara à notre France ingrate d’interminables calamités.

Mais je vous parle de 1830, et nous n’en sommes encore qu’à 1820, à l’aurore des Méditations, Oui, ce fut une aurore, avec toutes les grâces, toutes les fraîcheurs, tous les mélodieux murmures d’une matinée de printemps. On eût dit que le soleil se levait dans les imaginations et dans les âmes. Déjà Chateaubriand notis avait initiés à une poésie nouvelle, à laquelle il ne manquait que le rhythme, mais qui en appelait une autre, plus intime encore et plus vraie, comme une sœur aînée appelle sa sœur. Delille, mort depuis sept ans, avait cessé d’être pris au sérieux ; Fontanes, plus sobre et plus