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LE FRANÇAIS

mis assez de salpêtre dedans quand on l’a salé à l’automne ; en tous cas, je l’trouve fade… C’est comme les patates qu’ont presque toutes pourri dans les caves, cet hiver qu’il a fait si doux… Non, j’vous assure, Monsieur Morel, c’est pas un bon dîner et vous vous adonnez bien mal… Dire que si j’avais su que vous veniez… on a un coq qui me fait des misères sans bon sens dans le jardin, c’que j’en aurais fait un bon ragoût de cet infâme coq, si j’avais su… André, tu sais, pas plus tard, que la semaine prochaine, qu’on ait de la visite ou qu’on en ait pas, j’l’tue, ton coq !… »

« Je l’ai envoyé deux fois, à matin, d’là butte aux citrouilles », annonça Arthur plus heureux d’assister au procès du coq qu’il n’avait été, l’instant d’auparavant, à l’instruction du sien.

Joseph, qui n’avait pas encore dit un mot du dîner, risqua tout à coup :

« Tu sais, maman, ton coq, c’est moi qui va l’tuer comme nous a montré l’agronome du gouvernement, la dernière fois qu’il est venu par ici. »

« Ah ! l’agronome ! » fit avec un air sceptique Jean-Baptiste Morel ; « t’as confiance à ça, toi ?… »

S’adressant à André : « M’est avis, moi, que si on se fiait à ces jeunesses-là pour faire rapporter nos terres, on mettrait pas de temps à récolter rien que du foin bleu… Qu’est-ce que tu penses de ça, toi, André ? Moi, j’trouve que ces petits messieurs d’là ville peuvent rien nous montrer de pratique. »

— Jean-Baptiste, ça me fait de la peine de le contredire mais je suis pas de ton opinion là-dessus. Les