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LE « MEMBRE »

et creuser des vides dans les rangs serrés des parlementaires, mais marquer une étape véritablement tragique dans la marche de la politique québécoise.

On était donc, cette après-midi, à l’étude du budget et l’on venait d’attaquer l’« item » qui avait trait à l’embellissement des abords des édifices du Parlement ; l’opposition faisait remarquer au gouvernement que les canons de luxe placés comme ornements sur certains coins de gazon, n’étaient pas toujours en bon état et le député Hébert avait saisi l’occasion pour suggérer aux ministres qu’il était vraiment temps, en ce siècle de conventions de la Haye, de réduire les armements dans la province. Au milieu d’un long discours, il rappelait à ce sujet l’exemple du Luxembourg :

« Pendant plusieurs années, Monsieur l’Orateur, disait-il, les autorités luxembourgeoises avec la même patience et la même ardeur que Noé mit à construire son arche, avaient réussi à fondre un canon, un seul, mais un canon tel qu’en pourraient rêver la France, l’Angleterre et l’Allemagne. Quand il fut terminé toute la population l’installa en grande pompe sur l’une des places publiques. Il faisait l’admiration de tous les Luxembourgeois et la terreur des étrangers. Le jour de son inauguration on tira un boulet, histoire d’en faire l’essai et voici ce qui arriva. Le boulet fila pendant des lieues et des lieues, Monsieur l’Orateur ; il traversa la frontière allemande, fit encore plusieurs lieues et s’en alla tomber dans une rue de Berlin au milieu d’un groupe de militaires occupés à fourbir leurs armes pour la prochaine guerre. La terreur fut indicible. On avertit le Kaiser. Celui-ci ordonna une